Georges Gonzalez

GONZALEZ, PÉLERIN DE L'INVISIBLE

Gonzalez est l'un des très rares peintres de notre temps à donner de notre monde une vision en profondeur, je dirai même une vision initiatique : s'aventurant bien au-delà des apparences, il porte un regard aigu vers l'invisible, l'envers du décor, vers les acteurs masqués de cette odyssée secrète qui se joue dans les coulisses de notre immense théâtre.
Et il est vrai que chaque toile de Gonzalez évoque une mise en scène. Mais pas n'importe laquelle. Et surtout pas de ces élaborations purement esthétisantes, spectaculaires et fantastiques, destinées uniquement à masquer le vide de la pièce. Non. Chez Gonzalez, la mise en scène, savamment calculée, concertée, constitue le cadre, rigoureux dans son extrême harmonie, où viennent s'inscrire, codés, les éléments d'une
connaissance profonde des grandes lois cachées qui gouvernent nos existences.
Cet enragé 'Pélerin de l'invisible" est parti à la conquête des abîmes et des sommets qui dressent leurs vertiges dans cet Ailleurs hors du temps.
De ce voyage, de cette quête prométhéenne, il rapporte cette stupéfiante moisson de visages et de paysages qui nous parlent, en phrases silencieuses, d'un univers dont il nous semble, parfois, reconnaître de lointains échos familiers.
Gonzalez, en effet, n'est pas un peintre du merveilleux ou du fantastique, qui se laisserait paresseusement dériver au fil d'une imagination gratuite et sans frein.
Il n'invente pas. Il témoigne. Car il sait.
Chacune de ses toiles nous concerne donc, dans ce que nous sommes de plus authentiques, de plus secrets. Son oeuvre nous invite, nous qui,généralement, n'existons qu'à fleur d'être, n'appréhendant que la forme et l'aspect, à un immense voyage en direction de l'éssentiel, vers ce coeur du coeur dont parle Shakespeare, ce point central et incandescent d'où toute chose est ordonnée et construite. A ce titre, Gonzalez s'inscrit dans la lignée de Rembrandt, Bosch, Vinci, Dürer, qui, eux aussi, détenaient cette connaissance initiatique qu'il appartient à chacun de nous de décrypter,
toile après toile.
Je l'ai dit : Gonzalez n'invente pas. Mais il avoue lui-même ignorer qui, parfois, en ces instants privilégiés où sa main semble ne plus lui appartenir, signe sa toile de la touche très exacte qui va - définitivement - lui donner sa v6ritableprofondeur, son authenticité absolue : Lui ? Ou L'Autre ?
Ne confiait-il pas, il y a quelques mois, à un magazine parisien : "Quand je me reconnaîtrai, j'ai peur de ne pas me ressembler ... "

Christian Roux-Pétel
Femmes Actuelles
Télé Loisirs
L'Autre Monde

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LE << COMME SI >> DE GONZALEZ

Georges Gonzalez est (je le suppose) fou J'ai vu (j'ecris bien j'ai " vu ") ses oeuvres et je suis devenu fou à mon tour, l'espace de cette rencontre avec ce monde irréel, Vous connaissez l'histoire de Louis Jouvet : un enfant rencontre un peintre et naïvement lui demande en désignant la toile qu'il est en train de peindre et la palette qu'il tient à la main avec délicatesse : " est-ce çà qui fait çà ou çà qui fait çà ?" Chez Gonzalez en effet (je me demande) j'ai la sensation de malaise que c'est le tableau qui a été fait pour la palette, que
le tableau qui est devant moi n'est pas fini, qu'il N'EST PAS LA, et qu'il est en train, lui le tableau, de FAIRE la palette, et cette palette en question c'est NOTRE REGARD, NOTRE VUE, NOS YEUX qui sont ainsi peints par ces toiles.
En effet (j'en suis sûr) comment "signifier" autrement une toile ou "c'est comme si" Gonzalez avait entrepris une oeuvre saine, sainte même, claire, vivante donc morte (les natures mortes ne sont-elles pas les seules vivantes?) et "c'est comme si" l'autre Gonzalez (qui doit détester Gonzalez le peintre) s'était relevé la nuit pour repeindre (ou plutôt "dé-peindre") le tableau, Et ce monde de mort (donc d'âme de peur et d'angoisse) surgit dans la tète, ces arbres d'horreur, ces objets qui mangent la toile, ces couleurs accrochées les unes aux autres comme les secrets de ces toiles.
Oui, Gonzalez est fou. II est double. II le sait. Je souhaite que beaucoup d'entre nous puissent goûter son oeuvre les yeux ouverts sur son monde cruel et fermés sur notre propre monde.

Francis HUSTER